Le projet s’appuie sur le parcours de Geza et Hélène Niederman, et sur celui de leurs deux fils Robert et Émile. Leur histoire nous est connue grâce aux documents et témoignages conservés par la famille, et grâce aux précisions apportées par Robert lui-même ou par ses enfants. 

GERZSON NIEDERMAN (Geza)

gezaGeza Niederman est né à Munkacs le 16 mai 1893. Il arrive en France en 1910, pour se perfectionner dans l'art de la joaillerie. Durant la Première Guerre Mondiale, il est interné en Corse, en tant que ressortissant d'un pays ennemi, l'Empire austro-hongrois. 
Après la guerre il acquiert la nationalité tchécoslovaque. Lors d'un voyage, il s'arrête à Vienne où il se rend chez Salomon Krausz de la part d'un ami rencontré en Corse. Il fait connaissance de la fille de Salomon, Ilonka (Hélène). Quand cette dernière arrive à Paris en 1924, les deux jeunes gens se retrouvent et Geza demande Hélène en mariage. Ils se marient et s'installent au 37 bld Saint Martin (Paris 3ème), où Geza crée son atelier de joaillerie. Geza et Hélène ont deux enfants : Robert en 1925, Émile en 1927. A la fin des années 30, Louis et Marcel, deux des frères de Geza, le rejoignent en France avec leurs épouses, Elly et Rose. 
En 1940, les mesures anti-juives poussent Geza à se déclarer au commissariat. Légaliste et très attaché à la France, il veut penser qu'il ne sera pas inquiété. La même année, son atelier est aryanisé. Geza souffre de graves problèmes cardiaques. Le 17 juillet 1942, lors de la rafle du Vel' d'hiv, il est alité en raison d'une angine de poitrine. La police française l'arrête et le transporte sur un brancard jusqu'au camp de Drancy, d'où il part pour Auschwitz le 22 juillet 1942 par le convoi n°9.
ILONKA NIEDERMAN (Hélène)

heleneHélène Niederman est née à Budapest le 5 décembre 1900. Lors de la Première Guerre Mondiale, elle abandonne l'idée de faire des études et se forme à la joaillerie pour aider son père. En 1924, elle se rend à Paris pour se perfectionner dans l'art de travailler les perles. Elle y retrouve Geza, rencontré à Vienne, et l'épouse. Elle s'occupe ensuite de ses deux fils, Robert et Émile, tout en aidant son mari. 
Lors de la rafle du Vel d'Hiv, elle parvient à fuir par l'escalier de service alors que la police française est dans l'immeuble. Hébergée quelque temps par Mme Lebel, qui a été son professeur de français à Vienne, elle gagne finalement Lyon dans un camion en septembre 1942, grâce à Robert qui a tout organisé. Tous deux rejoignent ensuite Émile qui les attend à Nice avec les deux frères de Geza, Louis et Marcel. 
A la fin de l'occupation italienne en septembre 1943, il faut fuir dans l'arrière-pays. La famille en est finalement réduite à se cacher dans la forêt, où elle est recueillie par Joseph et Ludovina Gallo. Joseph Gallo conduit Hélène à Monaco, où elle se cache chez un ami, avant de trouver une cachette au Cap d'Ail. Elle y reçoit trois messages de son fils Émile, arrêté autour du 19 juin 1944 et interné à l'hôtel Excelsior. Hélène ne peut rien faire. Elle ne reverra plus son fils. Elle reste au Cap d'Ail jusqu'à la libération de la région par les Alliés. Après la guerre, Hélène ne récupère son appartement qu'au terme d'une année de procès, année pendant laquelle elle réside à l'hôtel Cronstadt, rue Lamartine (Paris 9ème). Ensuite, elle reprend l'affaire de joaillerie montée par son mari et travaille jusqu'au début des années 70. Elle décède le 8 mars 2006 au Pérou, près de Robert et de son épouse Carmen.
ROBERT NIEDERMAN

robertRobert Niederman est né le 22 juin 1925 à Paris. Lors de l'Exode, âgé de 15 ans, il part seul en vélo et ne retrouve pas ses parents à qui il avait donné rendez-vous. Rejoint par Andi, cousin de sa mère, il gagne la ville d'Agde où il séjourne durant l'été, jusqu'à la rentrée scolaire. 
En octobre 1940, les Juifs sont soumis à l'obligation de se déclarer à la Police, Robert s'y refuse et reçoit une convocation du commissariat. Il fuit à Nice avec l'aide d'un passeur, en franchissant la ligne de démarcation à Mont de Marsan. Après une année de scolarisation au lycée du Parc Impérial de Nice, il décroche son premier bachot en juin 1942 puis passe les vacances d'été à Saint-Martin-en-Haut près de Lyon, où son oncle Lali et sa tante Hélène sont en résidence surveillée. Il y est rejoint par son frère Émile, qu'il envoie chez ses oncles à Nice. Puis il organise le passage en Suisse de Lali et Hélène. Sa mère le rejoint ensuite, et tous deux retrouvent Émile à Nice. Robert passe son deuxième bachot au lycée de Monaco en juin 1943. En septembre, la fin de l'occupation italienne oblige Robert et les siens à fuir dans l'arrière pays niçois où ils finissent par se cacher dans la forêt, autour du mois d'avril. Ils reçoivent l'aide des Gallo. Robert apprend alors que son ancien chef de troupe chez les Éclaireurs, Ourson, administre l'auberge de jeunesse de St Paul sur Ubaye. Il le rejoint avec Émile, et les deux frères se font embaucher comme domestiques agricoles à Fouillouse. Puis, le patron de Robert ne pouvant plus le garder, Robert quitte Fouillouse pour Valserre. Il ne reverra plus son frère. A l'arrivée des Alliés, il retrouve sa mère restée cachée au Cap d'Ail, et tous deux vivent quelque temps à Nice avant de regagner Paris où ils récupèrent leur appartement au terme d'un long procès. Immédiatement après la guerre, Robert entre en classe préparatoire au Lycée Saint Louis puis intègre l'Institut National d'Agronomie, et mène une carrière d'ingénieur agronome en Algérie puis au Pérou.
ÉMILE NIEDERMAN

emileÉmile est né le 9 septembre 1927 à Paris. Le 17 juillet 1942, il assiste depuis l'appartement des voisins d'en face à l'arrestation de son père Geza. Il n'a pas encore 15 ans. Quelques semaines plus tard, il rejoint son frère Robert près de Lyon. Robert l'envoie à Nice chez leur oncle Marcel, où il le rejoint ensuite avec leur mère. En juin 1943, Émile obtient son premier bachot avec un an d'avance.  À l'automne 43, pour fuir les Allemands, à la fin de l'occupation italienne, la famille se cache près de Sclos-de-Contes, dans l'arrière-pays niçois. Après quelques mois de répit il faut fuir de nouveau. La famille reçoit l'aide de Joseph et Ludovina Gallo, puis Robert et Émile rejoignent Ourson à Saint Paul sur Ubaye, près de Barcelonnette, puis trouvent un travail comme domestiques agricoles à Fouillouse, un des villages les plus hauts d'Europe. En juin 44, Robert quitte Fouillouse pour Valserre, en espérant que son frère le rejoindra bientôt. Dans ce but il cherche un emploi pour lui. Dans l'intervalle, Émile veut rejoindre sa mère cachée au Cap d'Ail. Il se joint à un groupe de résistants italiens.Le groupe est arrêté par les Allemands. Émile est conduit à l'hôtel Excelsior à Nice, au plus tard le 19 juin. Il arrive à Drancy le 28 juin 1944 sous son faux nom, Émile Bottin. Il est déporté à Auschwitz le 30 juin 44 par le convoi n°76. À Auschwitz on lui tatoue sur le bras gauche le numéro A 16.954, et on le considère comme Mischling (nom donné par les Nazis aux personnes d'ascendance partiellement juive). Émile meurt d'épuisement à Buchenwald après la marche de la mort, en mars 1945.

Les documents mentionnent également d’autres membres de la famille Niederman :

LUDWIG KRAUSZ (Oncle Lali)

En 1938, Lali (le frère d'Hélène) et son épouse « tante Hélène » arrivent à Paris. Quand la guerre éclate, Lali est interné au camp de Meslay-du-Maine en raison de sa nationalité autrichienne, puis le camp est déplacé au fur et à mesure de l'avancée des Allemands et finalement, Lali se retrouve à Bogharie, en Algérie, d'où il rentre en 1941 pour rejoindre Tante Hélène à Lyon. Quand Robert se rend chez eux pour les vacances en juin 1942, Lali et sa femme sont toujours autrichiens et vivent pour cette raison en résidence surveillée, dans une situation très précaire. Robert, de nationalité française, n'est pas inquiété. Alors qu'il n'a que dix-sept ans, c'est lui qui organise en juillet la fuite de son oncle et de sa tante vers la Suisse. Un camion les transporte clandestinement de Lyon à Annemasse, d'où Robert les met entre les mains d'un passeur. Lali et sa femme vivent ensuite tranquillement à Genève jusqu'à la fin de la guerre.
IRENA KRAUSZ (Irène) 

Irène est la sœur cadette d'Hélène. Elle devient professeur d'histoire et de géographie à Vienne. Son mari, M. Fendrich, enseigne l'anglais dans une école de Commerce. C'est là qu'ils se rencontrent. De leur union naît un fils, Otto. Quand la guerre commence, Irène ne peut plus reprendre l'emploi qu'elle avait provisoirement abandonné pour s'occuper de son fils. En 1938, Irène confie son fils Otto à un Comité qui s'occupe de conduire en Angleterre les enfants juifs. Les Fendrich projettent de rejoindre leur fils plus tard, car le mari d'Irène, cardiaque, a fait une crise et n'est pas en mesure de se déplacer. Finalement, ce dernier décède. Les Nazis sont dans Vienne et Irène ne peut plus partir. Son fils ne la reverra plus jusqu'à la fin de la guerre. Il grandit tout seul en Angleterre, où il passe dans des orphelinats une enfance malheureuse. Il aura un fils, Paul.
TANTE ROSE, ONCLE MARCEL ET FLORENCE

Oncle Marcel est l'un des frères de Geza Niederman. Il a épousé Rose. La famille de Tante Rose vient de Varsovie. Elle s’appelle Sadokerska. Elle a trois sœurs et deux frères dont Bella et Pola qui vivent en France. Pola est la mère de Florence dont le vrai nom est Ruth. Elles vivent en Allemagne et viennent seules en France en 1933 à cause des persécutions nazies. La famille n'a jamais eu de nouvelles du compagnon de Pola, le père de Ruth. Cette dernière a 13 ans à ce moment. Elle s’adapte très vite et fait de brillantes études. Pendant l’Occupation elles se réfugient à Nice avec Oncle Marcel et Tante Rose. Elles habitent dans un petit appartement rue de la Buffa. Après le départ des Italiens, Pola est arrêtée et ne revient jamais. Ruth devient Florence et se réfugie avec Jeannot qui a 5 ans, sous le nom de Bayard, quelque part dans le sud de la France. A la libération Florence rencontre Jean Sebag, capitaine dans l’armée de l’air, qui arrivé avec l’armée qui avait débarqué le 15 Août à Saint-Tropez. Jean est architecte et étudie la construction d’un nouvel aéroport à Nice. Il fait partie d’une grande famille de Tunis. Il épouse Florence. Son frère, Henri, est un brillant avocat et se marie avec Bella. Les deux frères font une brillante carrière. Tante Rose et Oncle Marcel s’installent après la libération à Paris, avenue Jean-Jaurès où ils créent une bonneterie.
HUGO NIEDERMAN

Oncle Hugo, frère de Geza, et sa femme Marie, qui est catholique, habitent à Grosbois, près de Verneuil-sur-Avre, où ils ont une petite ferme. Ils accueillent plusieurs fois Émile et Robert entre 1939 et 1942. Les deux garçons fréquentent ainsi le lycée de Verneuil et son internat. Robert Niederman raconte :  « Oncle Hugo était revenu de la guerre de 14-18 avec le grade de sergent et travaillait à l’hôpital de Munkacs où il connut une très belle infirmière, Tante Marie, (« Manci »). Il n’avait pas de profession. Quand ils arrivèrent à Paris, vers les années 1923, mon père les installa dans une charcuterie à Boulogne-Billancourt où ils travaillèrent avec le frère de Tante Marie dont c’était la profession. Ils se disputèrent avec lui, abandonnèrent la charcuterie et mon père installa son grand frère à Montlouis, tandis que le frère de Tante Marie partit pour l’Argentine où il fit une belle carrière. Après la récession de 1929, mon père vendit Montlouis et installa son grand frère 37, Boulevard Saint-Martin dans un appartement au 5ème étage. Ils se lancèrent dans la confection. C’est toujours Tante Marie qui travaillait tandis qu’il faisait le caïd. Vers les années 1933 mon père les installa dans une petite propriété à Bourth (Eure) où nous allions passer nos vacances en compagnie de Ruth. C’était très joli. Vers les années 1937 ils s’installèrent dans une belle propriété à Grosbois, près de Verneuil-sur-Avre. Pendant la guerre Tante Marie, qui n’était pas juive, ne fut pas inquiétée. Oncle Hugo s’enrichit en faisant du marché noir. Quand il sentit l’étau se resserrer il partit avec une vache, comme Fernandel dans la vache et le prisonnier, et réussit à se sauver. Après la guerre il partit avec sa femme en Argentine en 1ère classe. Il revint rapidement après s’être disputé avec le frère de Tante Marie et récupéra la propriété de Grosbois qu’il avait vendue à Oncle Louis. Pendant la guerre Tante Marie qui était une brave femme nous envoyait régulièrement des colis de délicieuses victuailles. À Cap d’Ail il y avait de strictes restrictions et nous vivions dans l’opulence. Ce qui est surprenant est que les colis arrivèrent toujours sans encombre. Ensuite Oncle Hugo se ruina au jeu et vendit sa propriété. Il mourut dans la misère. Tante Marie habitait un petit appartement à Verneuil et vivait de petits boulots. Elle mourut dans un hôpital de bonnes sœurs. »
ANDI HECHT (HORAL)

Andrej, cousin d'Ilonka, arrive à Paris en 1939. C'est lui qui rejoint Robert sur les routes de l'Exode et l'accompagne jusqu'à Agde, où se trouvent déjà Marcel et Louis Niederman, oncles de Robert. À Agde est en effet basé un régiment tchécoslovaque. Andi n’est pas mobilisé, à cause d’une fracture à un bras, mal soudée. Militant communiste, il s'engage dans des activités de résistance. Andi prend le dernier bateau en partance de Sète en Juillet 1940. Il se rend à Londres via Lisbonne, et s'y occupe d’Otto Fendrich, le fils d'Irène, jusqu'à la fin de la guerre. Robert dit que « Hecht était le nom de la famille de Trencin » et ajoute qu'après la guerre, Andi prend le nom de Horal « pour avoir un nom tchèque ».